samedi 16 février 2013

Toutes les douleurs chroniques sont-elles bonnes à stimuler ?

La neurostimulation transcutanée (NSTC, ou TENS en anglais) est une méthode non médicamenteuse qui peut être utilisée pour soulager la douleur chronique. En France, la NSTC est prise en charge par l’assurance maladie depuis l’an 2000, dans le cadre de douleurs neuropathiques (douleurs étant la conséquence directe d’une lésion ou d’une maladie du système somato-sensoriel). Il faut pour cela que le patient bénéficie d’une éducation thérapeutique au sein d’une structure d’étude et de traitement de la douleur chronique (voir article de mon blog), avec une période de location de 6 mois avant d’envisager l’achat du neurostimulateur [1].




La Haute Autorité de Santé a publié en septembre 2009 une « évaluation des appareils de neurostimulation électrique transcutanée ». Ce document de 38 pages [2] propose notamment de permettre la prescription à tout médecin ayant validé un Diplôme Universitaire de prise en charge de la douleur, et d’élargir l’indication de la NSTC à toutes les douleurs chroniques, y compris non neuropathiques. A ce jour, cet avis n’a pas été suivi d’effet puisque l’assurance maladie n’a pas modifié son attitude. Pour quelle raison ? Certainement du fait du coût potentiel d’un tel élargissement des indications, mais aussi à cause du manque de preuve d’efficacité…

Entre septembre 2006 et juin 2008, 21 centres français d’étude et de traitement de la douleur ont participé à une large étude récemment publiée [3], cherchant à évaluer l’efficacité de la NSTC dans la lombalgie chronique. Au total 236 patients ont bénéficié d’une NSTC soit réelle (stimulation continue à haute fréquence avec burst de basse fréquence) soit factice, à raison de 4 séances quotidiennes d’une heure. Seul résultat positif, la vraie NSTC permettait une diminution statistiquement significative de la douleur après 3 mois de traitement. Par contre, aucune différence n’était notée entre les 2 groupes en termes de répercussion fonctionnelle (critère principal de cette étude) ou de qualité de vie. Les auteurs concluent leur article de la façon suivante : « les résultats de cette étude ne permettent pas d’envisager l’utilisation de la NSTC chez les patients lombalgiques chroniques ».




En partie financée par les pouvoirs publics (Direction Générale de la Santé), cette étude ne va manifestement pas dans le sens des préconisations de la Haute Autorité de Santé. Mais à bien y regarder :
- les patients recrutés présentaient majoritairement (59%) une irradiation douloureuse dans un membre inférieur, ce qui va dans le sens d’une population hétérogène, mélangeant des douleurs lombaires et des douleurs radiculaires neuropathiques.
- le mode de stimulation utilisé (haute fréquence, dite « gate-control ») est plus spécifique de la douleur neuropathique ; quels auraient été les résultats avec une stimulation à basse fréquence ?
- Les capacités fonctionnelles du patient ont été choisies comme principal critère d’évaluation de l’efficacité de la NSTC. Or, il est bien évident que ces capacités ne dépendent pas uniquement du soulagement de la douleur, mais aussi de facteurs cognitifs et comportementaux, comme le catastrophisme ou la kinésiophobie (voir article de mon blog).
- cette étude va manifestement dans le sens d’une diminution de l’intensité douloureuse chez les patients présentant des douleurs neuropathiques radiculaires (soulagement supérieur chez cette catégorie de patients) : elle tend donc à confirmer la position actuelle de l’assurance maladie.