samedi 16 mars 2013

La douleur chronique post-chirurgicale est-elle digne d’intérêt?

La réponse est évidemment « oui ». Après un geste chirurgical, 10 à 50% des patients (selon le type de chirurgie) développent des douleurs chroniques. La majorité de ces douleurs sont neuropathiques, ce qui signifie qu’elles sont la conséquence directe d’une lésion du système nerveux. Pourtant, les auteurs américains d’un article paru dans la revue « Journal of Pain Research » posent le constat suivant : les douleurs chroniques post-chirurgicales (DCPC) n’intéressent pas la communauté médicale, et notamment les chirurgiens.






En effet, leur revue de la littérature parle d’elle-même :
  • Entre 1981 et 2010, seuls 9 éditoriaux de revues scientifiques indexées dans PUBMED ont été consacrés aux DCPC. Aucun n’était publié dans une revue chirurgicale ;
  • Entre 1991 et 2010, seuls 2 articles sur le sujet ont été publiés dans les 20 principales revues scientifiques de chirurgie ;
  • Entre 2001 et 2010, les articles traitant des douleurs aiguës post-opératoires étaient 7 fois plus nombreux que ceux consacrés aux DCPC ;
  • Au sein des 3 « textbooks » de référence sur la chirurgie, les DCPC représentent moins d’une demi-page sur les 2000 à 3000 pages de chaque ouvrage.

Mon constat est similaire puisque les articles de mon blog consacrés aux douleurs chroniques après chirurgie (voir article de mon blog) font partie de ceux qui sont les moins consultés (voir également cet autre article). Pourquoi un tel désintérêt ? Les auteurs de cet article émettent plusieurs hypothèses :
  • Les chirurgiens sont moins confrontés que les autres spécialités médicales à la douleur chronique (ils interviennent surtout en période aiguë) ;
  • Il reste difficile, pour tout soignant, d’accepter qu’un traitement puisse être à l’origine de complications iatrogènes, surtout s’il craint un procès. Le terme « post-chirurgical » est ainsi souvent mal vécu ;
  • Toute lésion neurologique per-chirurgicale ne provoque pas de DCPC et une DCPC peut survenir en l’absence de lésion d’un tronc nerveux…

Rien n’est simple, mais la lésion nerveuse per-chirurgicale mérite d’être prévenue, quand cela est possible, pour diminuer le risque de DCPC. La littérature scientifique démontre largement qu’un geste moins invasif en diminue la fréquence.

Autre donnée importante de cet article : le risque de DCPC devrait être systématiquement expliqué au patient avant tout geste chirurgical programmé, pour qu’il puisse prendre une décision réellement éclairée. Je rencontre fréquemment des patients qui me disent : « si j’avais su, je ne me serais pas fait opérer… ». Facile à dire après coup, me direz-vous, mais quelle aurait été leur décision s’ils avaient été prévenus des risques ?

Enfin, il faut le rappeler : tout geste chirurgical comporte des risques. Les DCPC ne sont pas liées à une faute du chirurgien, dont l’intention est d’apporter les meilleurs soins possibles, mais constituent un alea thérapeutique. C’est ce que j’explique chaque jour à mes patients (d’après cet article, 20% des patients consultant en structure d’étude et de traitement de la douleur chronique présentent des DCPC).



 
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