samedi 2 mars 2013

Prise en charge de la migraine : les nouvelles recommandations françaises

La migraine est une céphalée intense et récurrente qui toucherait environ 1 adulte sur 5, dont 3/4 de femmes. De nombreuses études scientifiques ont pu être réalisées pour en optimiser la prise en charge, aboutissant notamment à la sortie des triptans, famille de molécules ayant révolutionné le traitement de la crise migraineuse. 




Des recommandations de bonne pratique en langue française ont été publiées en 2002 [1] par l’ancêtre de la Haute Autorité de Santé (l’ANAES). Dix ans plus tard, la Société Française d’Etude des Migraines et des Céphalées (SFEMC) propose une version révisée de ces recommandations [2]. En voici ma lecture :

  1. En termes de traitement de crise, les auteurs préconisent la rédaction d’une ordonnance associant un AINS et un triptan, afin de permettre au patient de déterminer la famille la plus efficace. Si l’AINS est suffisant (soulagement de la crise dans les 2 heures après la prise), cette famille sera poursuivie. Dans le cas inverse, le triptan devra être utilisé le plus précocement possible.
  2. Pour ce qui est du traitement de fond, les différentes molécules recommandées sont classées en fonction de la qualité des études scientifiques réalisées. Cependant, les molécules les plus anciennes ont moins été étudiées, d’où un niveau de preuve plus faible. Aucun médicament n’ayant montré une supériorité d’efficacité, c’est la réflexion bénéfice-risque qui doit guider le choix du prescripteur. Les auteurs recommandent en première intention les bétabloquants (propanolol et métoprolol).
  3. La relaxation et les thérapies cognitives et comportementales sont également recommandées du fait d’un haut niveau de preuve d’efficacité. Juste citées par les auteurs comme « autres traitements », elles mériteraient à mon sens un peu plus d’égards (4 lignes contre 4 pages pour les traitements médicamenteux), car elles correspondent aux attentes d’un grand nombre de patients (voir article de mon blog).
  4. Les liens entre la migraine et la vie hormonale de la femme font l’objet d’un nouveau chapitre très instructif. Désir de grossesse, grossesse débutée, migraines menstruelles, contraception orale, ménopause : toutes ces périodes de la vie sont abordées pour fournir au lecteur des attitudes pratiques.
  5. Malheureusement, ces recommandations ne seront pas diffusées par la Haute Autorité de Santé (HAS). Les 5 auteurs de cet article présentent en effet entre 6 et 15 liens d’intérêt (11,6 en moyenne) avec l’industrie pharmaceutique, ce qui ne leur permet pas d’être retenus par la HAS comme experts indépendants, d’autant que de nombreuses recommandations reposent sur un « accord professionnel » (voir article de mon blog).
  6. Publiées dans une revue scientifique destinée aux neurologues, ces recommandations risquent de pâtir d’une diffusion limitée, alors qu’elles ciblent les médecins généralistes et spécialistes, ainsi que les pharmaciens d’officine…
  7. Une version synthétique serait la bienvenue, pour une meilleure applicabilité au quotidien (la lecture d’un document de 11 pages, sans les références bibliographiques, est fastidieuse).