mardi 31 juillet 2012

L’IRM chez le lombalgique : c’est pas automatique (saison 1, épisode 2)

Mon précédent post s’est conclu sur les dangers potentiels liés à la réalisation d’une IRM en cas de lombalgie. Pour les sceptiques (en quoi passer une IRM pourrait être dangereux ?), voici une situation réelle (à quelques détails près pour que mon patient ne puisse pas être reconnu…) issue de ma pratique clinique récente.




C’est l’histoire d’un patient retraité qui m’explique présenter un épisode de blocage lombaire presque chaque année, depuis plus de 10 ans, résolutif en quelques jours. Six mois plus tôt, son entourage a réussi à le convaincre de l’intérêt d’une cure thermale, pendant laquelle des jets d’eau à forte pression ont déclenché une nouvelle lombalgie. Cet épisode aigu a laissé place à un sentiment subjectif d’inconfort au niveau du dos et des membres inférieurs, sans réelle douleur intense ni sciatique, mais limitant les activités quotidiennes de ce patient très actif.

Une IRM lombaire est pratiquée 1 mois plus tard : elle retrouve une « discopathie étagée » (traduction : une banale arthrose) et « 2 hernies discales médianes aux étages L4/L5 et L5/S1 » (traduction : le disque entre les vertèbres sort un peu de son emplacement sans comprimer de racine nerveuse). Ce patient me relate les propos du radiologue « c’est normal que vous ayez mal, votre dos est complètement pourri » ; « Il n’y a qu’une opération pour remettre votre dos d’aplomb » (rappelons que les éléments retrouvés à l’IRM ne sont que la traduction du vieillissement normal de la colonne vertébrale, voir la vidéo de mon précédent post).

Le patient est alors adressé par son médecin traitant à un chirurgien du rachis présenté comme « réputé » et exerçant à 300 kilomètres de son lieu d’habitation… Une arthrodèse lombaire est réalisée quelques mois plus tard, alors que la lombalgie était moins intense et que le patient ne présentait toujours pas de sciatique (il n’y avait donc aucun argument objectif pour opérer). Quinze jours plus tard, ce patient développe une nouvelle douleur au niveau de la jambe droite, intense et permanente, tout à fait typique d’une sciatalgie neuropathique post-opératoire

Prescription d’IRM non justifiée par le tableau clinique, interprétation erronée et propos catastrophistes du radiologue, geste chirurgical réalisé par excès, douleur neuropathique iatrogène : le lecteur pourrait penser que cette histoire est trop caricaturale et qu’elle sort tout droit de mon imagination… Et pourtant tout est vrai et s’est déroulé durant le premier semestre 2012… Alors, oui, je confirme, l’IRM chez le lombalgique, c’est pas automatique !

Prochain épisode le 4 août 2012 : au programme, des recommandations de bonne pratique…

samedi 28 juillet 2012

L'IRM chez le lombalgique : c'est pas automatique (saison 1, épisode 1)

L'imagerie par résonance magnétique (IRM) est une technique d'imagerie médicale permettant d'obtenir des vues l'intérieur du corps de façon non-invasive avec une résolution relativement élevée. De ce fait, l'IRM est souvent considérée par les patients comme le must des examens, celui qu'il faut absolument passer, notamment en cas de lombalgie.




Si l'IRM lombaire est source de beaucoup de fantasmes, est-elle à la hauteur des espoirs placés en elle ? Pas forcément, et pour plusieurs raisons :
  • La réalisation d'une IRM doit être décidée sur des critères cliniques bien précis pour avoir une incidence sur la décision thérapeutique ; réaliser un IRM sans perspective thérapeutique, "juste pour mieux voir", n'a aucun intérêt tant sur le plan clinique qu'économique.
  • Le risque est grand de trouver une anomalie… aussi bien chez les patients lombalgiques que chez ceux qui n'ont pas mal au dos ! Attention à la concordance radio-clinique : les anomalies observées sont peu souvent en lien avec les symptômes présentés par le patient…
  • Les comptes rendus d'IRM ont un potentiel iatrogène énorme : le simple fait de lire "hernie discale" ou "bec de perroquet" peut induire un catastrophisme chez le patient… et parfois chez son médecin, alors qu'il ne s'agit le plus souvent que de témoins du vieillissement normal de notre colonne vertébrale.
  • Le diagnostic par excès de "hernie discale" peut aboutir à des gestes chirurgicaux inutiles voire iatrogènes (développement de sciatalgies neuropathiques)… C'est notamment le cas des "hernies discales lombaires médianes", très fréquente mais sans aucune conséquence clinique…
  • Une grande partie des lombalgies chroniques sont liées à un cercle vicieux contracture musculaire – douleur – anxiété, qui ne se voit pas sur l'IRM…

Voici une vidéo en langue anglaise qui résume très bien la question :




Message important en cas de lombalgie : l'IRM est rarement utile et peut contribuer à aggraver la situation… Il faut donc savoir raison garder !

Prochain épisode le 31 juillet 2012 : au programme, une situation bien réelle…

Références : voir la fin de la vidéo

mardi 24 juillet 2012

1 minute pour comprendre le traitement des céphalées avant l'apparition des médicaments…

Le LEEM (pour "les entreprises du médicament") met en ligne sur son site internet une Websérie volontairement loufoque et nommée "Un monde sans médicament". L'objectif est manifestement de décrire les insuffisances de la médecine avant l'apparition du médicament. Au programme des premiers épisodes : "les sangsues joueuses" (maladies cardiovasculaires), "un amour de poule" (vaccins), ou encore "un bouffon métallique" (syphilis).




Le 4e épisode est consacré aux céphalées et s'intitule "Sur un coup de tête". Le scénario est le suivant : "A travers les âges : dans les grottes, en ancienne Egypte, au Moyen-Age, nos ancêtres tentaient de leur mieux pour se débarrasser des maux de tête. Les conséquences de ces traitements inventifs pouvaient conduire à des effets secondaires inattendus et souvent désagréables". Voici la vidéo en question :



Le monde sans médicament - EP04 "Sur un coup de... par LeemFrance


L'internaute averti pourrait regretter la caricature qui est ainsi faite des traitements non médicamenteux des céphalées ; il faut cependant reconnaître que les médicaments de la migraine constituent une vraie révolution et rendre hommage au LEEM pour l'originalité de sa série d'animations…

samedi 21 juillet 2012

La douleur à l'affiche de la semaine de la sécurité des patients 2012

La Direction Générale de l'Offre de Soins (DGOS) organise pour la 2ème année consécutive une semaine de la sécurité des patients : il s'agit de la semaine 48 (26 au 30 novembre 2012). Cette semaine vient d'être annoncée par l'instruction N° DGOS/PF2/2012/272 du 10 juillet 2012 relative à la semaine de la sécurité des patients 2012. L'objectif principal est de faciliter la communication entre les patients et les professionnels de santé.




Pour ce faire, 4 thèmes prioritaires ont été définis :
  1. Bien utiliser les médicaments : le message adressé au patient est axé sur des principes clés relatifs à la connaissance du médicament et à la communication avec les professionnels de santé. Pour les professionnels de santé, le support met l’accent sur la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse aux points de transitions que sont les entrées, sorties et transferts des patients.
  2. Favoriser la communication : le patient est invité à libérer sa parole, à questionner les professionnels de santé, afin de le rendre acteur de sa propre sécurité. Le professionnel est incité à favoriser le dialogue avec le patient et à la communication au sein de l’équipe. Il est également sensibilisé au signalement et à l’analyse des événements, pour faire progresser la culture de sécurité.
  3. Soulager la douleur : l’objectif est d’inciter le patient à exprimer sa douleur auprès des professionnels. Le patient est informé de ses droits et de l’intérêt à parler de sa douleur. Le professionnel est sensibilisé à l’écoute et à considérer la parole du patient comme un signal pouvant faire évoluer la prise en charge.
  4. Renforcer l’hygiène des mains : cette année, la journée sur l’hygiène des mains ou « mission main propre » est intégrée dans la semaine de la sécurité des patients. L’objectif pour les patients est de comprendre comment il peut agir sur sa sécurité et prévenir les infections grâce à l’hygiène des mains. Pour le professionnel, le message permet de les informer sur le pourquoi, quand et comment utiliser les produits hydro-alcooliques. Par ailleurs, un message est spécifiquement adapté aux infirmiers libéraux

La prise en charge de la douleur est ainsi clairement affichée comme 1 des 4 priorités nationales en termes de sécurité des soins. Les professionnels de santé sont incités à mettre en place des actions de sensibilisation locales ou régionales. A vos projets !




samedi 14 juillet 2012

Syndrome des jambes sans repos ou douleur neuropathique ?

Le syndrome des jambes sans repos (SJR) est une affection neurologique caractérisée par un besoin irrésistible de bouger les membres inférieurs, survenant au repos, soulagée par le mouvement et renforcée le soir et la nuit.


Les patients présentant un SJR décrivent souvent des sensations bizarres : une étude observationnelle française vient d’être publiée dans la revue anglo-saxonne « Médecine du sommeil » (éditions Elsevier). Les auteurs ont cherché à connaître plus précisément ces sensations, en interrogeant 56 patients pris en charge dans le centre du sommeil de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (diagnostic confirmé) et 738 membres de l’Association Française des personnes affectées par le Syndrome des Jambes sans Repos (diagnostic suspecté par questionnaire).


Voici les principales sensations (pourcentage > 10% de la population étudiée) décrites par ces 794 patients :
  • Décharges électriques = 43%
  • Picotements = 30%
  • Brûlure = 29%
  • Fourmillements = 27%
  • Démangeaisons =14%

Fait troublant : les 5 sensations les plus fréquentes sont également caractéristiques des douleurs neuropathiques, elles figurent toutes dans le questionnaire DN4 (questionnaire français de dépistage des douleurs neuropathiques). Qu’en conclure ? Voici mon analyse :
  • Le diagnostic de SJR est parfois posé par excès, chez des patients présentant en fait une polyneuropathie douloureuse des membres inférieurs (d’origine diabétique, alcoolique, médicamenteuse, ou encore liée au vieillissement…). Mon activité clinique me le prouve régulièrement. Le mouvement apporte un soulagement par contre-stimulation.
  • L’anxiété est probablement un facteur d’entretien du SJR, elle est présente chez plus de la moitié des patients de cette étude. C’est probablement la raison pour laquelle des patients sont soulagés par le clonazépam (RIVOTRIL®), tranquillisant dont la prescription est maintenant limitée à son indication officielle : l’épilepsie (voir article de mon blog).
  • Certaines douleurs soi-disant neuropathiques, soulagées par le clonazépam (RIVOTRIL®), sont peut-être en réalité liées à un véritable SJR non diagnostiqué donc non traité de façon spécifique.

Au total, la confusion entre douleur neuropathique et syndrome des jambes sans repos (ou la co-existence des 2 tableaux ?) semble assez fréquente. Dans les 2 cas, des traitements spécifiques existent (ce n’est pas le cas du clonazépam !). Une proportion de patients n’est probablement pas traitée pour le bon syndrome…

samedi 7 juillet 2012

La VAE des médecins de la douleur

Les médecins exerçant dans les structures d'étude et de traitement de la douleur chronique (voir article de mon blog) sont en grande majorité titulaires d'une capacité d'évaluation et de traitement de la douleur, diplôme en 2 ans reconnu par l'Ordre des Médecins. Cette formation universitaire permet au médecin de faire valoir, en plus de sa spécialité, une discipline complémentaire d'exercice nommée "évaluation et traitement de la douleur".

Depuis 2007, les étudiants en médecine en fin de cursus peuvent suivre l'enseignement d'un Diplôme d’Études Spécialisées Complémentaires (DESC) intitulé "Médecine de la Douleur et Médecine Palliative". Cet enseignement compte 4 semestres de formation pratique et 180 heures de formation théorique ; il n'est pas accessible aux médecins ayant déjà terminé leurs études.




Nouveauté en 2012 : les médecins qui le souhaitent pourront demander l'obtention de ce DESC par validation des acquis de l'expérience. Ils devront constituer un dossier et déposer leur demande auprès de l'université de l'interrégion désignée pour la région où ils exercent, avant le 1er mars de chaque année. Un jury auditionne les candidats dont les dossiers ont été retenus et se prononce avant le 31 décembre de chaque année. Attention, le nombre maximum de DESC susceptibles d'être délivrés par VAE n'est pas extensible, il est déterminé chaque année par un arrêté…

Pour en savoir plus :